Rencontre avec Elodie Cottin-Loubaresse, Responsable formation continue au sein du GHU AP-HP Centre

Issue d’une famille « hospitalière » qui exerce à l’hôpital depuis 3 générations dans les domaines soignant, administratif, technique et logistique, je suis entrée à l’hôpital à l’âge de 18 ans avec pour seul bagage mon brevet des collèges et une formation en reliure-dorure d’art.

J’ai travaillé 18 ans dans les services de soins en tant qu’agent hospitalier, archiviste puis adjointe administrative auprès d’un cadre supérieur de pôle. En 2014, j’ai rejoint le service de la Formation Continue où j’ai occupé les postes d’assistante de formation puis de responsable adjointe pendant 6 ans. J’ai exercé le métier de référente handicap pendant un an avant de revenir à mon domaine de prédilection en rejoignant l’hôpital Cochin-Port-Royal en tant que responsable formation en octobre 2021.

Au fil de mon parcours, j’ai réussi trois concours, obtenu trois diplômes, une certification et j’ai suivi de nombreuses formations. Je suis un produit de la Formation Continue et c’est pour cela que j’ai choisi ce domaine : il a la noble mission de permettre et d’accompagner l’évolution des institutions et des agents.

La Formation Continue est une branche de la direction des ressources humaines (RH). Nous avons pour mission de proposer et mettre en œuvre le plan de formation en lien avec les priorités nationales, celles de l’établissement, les projets des Départements Médico-Universitaires (DMU), le maintien et le développement des compétences des agents mais aussi l’accompagnement des parcours professionnels : évolution, prévention, reclassement… en collaboration avec les autres professionnels qui interviennent en la matière.

La Formation Continue est un domaine en constante évolution qui participe indirectement à la qualité et la sécurité des soins, à l’anticipation des nouveaux métiers, à l’évolution des pratiques et qui permet le développement professionnel et, sous bien des aspects, personnel des agents.

Notre périmètre est constitué des hôpitaux Cochin-Port-Royal, Hôtel-Dieu et Broca-La Collégiale mais nous travaillons aussi à l’échelle du groupe hospitalier universitaire (GHU) AP-HP. Centre – Université Paris Cité, avec les équipes de Mme Sylvie NELSON (responsable formation, hôpital Necker et coordinatrice formation pour le GH) et Mme Agnès DEBERGH (responsable formation, hôpital européen Georges Pompidou), notamment dans le cadre des projets communs comme la prévention des risques psychosociaux (RPS), formation développée avec votre organisme Panacéa Conseil & Formation Santé.

Le GHU AP-HP Centre avait la volonté de relancer sa politique de prévention des RPS tout en développant une culture commune. Des procédures internes locales existaient déjà mais différaient en fonction des établissements. Ce projet a permis de mettre en lumière l’expertise et l’expérience des différents acteurs internes tout en uniformisant les pratiques à l’échelle du groupe.

Un comité de pilotage central et des comités opérationnels locaux ont été constitués. Ils se sont déclinés en groupes de travail sur les thèmes « Circuit des alertes » et « Intégration des RPS au document unique ».

Le circuit des alertes a été défini et mis en place dans les différents établissements du GHU au cours du premier semestre 2022. Bien qu’une offre de formation sur les RPS soit proposée par le Centre de Formation de l’AP-HP, le choix d’une formation sur mesure, adaptée à notre GHU, s’est vite imposé. Le montage et le lancement de la formation se sont faits en parallèle.

Au premier semestre, nous avons organisé 26 groupes de formation sur l’ensemble des hôpitaux du GH. Chaque groupe pouvait accueillir jusqu’à 12 participants. Nous avons dépassé notre objectif de former au moins 200 cadres au premier semestre.

Cette formation s’adressant principalement aux cadres, de toutes filières, nous avons tenté de nous adapter à leur charge de travail et leurs contraintes. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’une formation « blended learning », en partie e-learning, en partie présentielle.

La partie e-learning aborde l’aspect théorique (les concepts, l’identification des RPS et leur traitement au sein de notre GH) à l’aide de modules courts et d’exercices pratiques, pour une durée totale d’environ 1h30 avec un délai de 3 semaines pour réaliser le parcours en ligne.

Pour la partie présentielle, nous avons tenu à conserver un temps d’échange sous forme d’atelier pratique d’une demi-journée au cours duquel les cadres, inscrits dans un groupe d’environ 10 personnes, échangent sur les situations vécues qu’ils rencontrent sur le terrain.

Pour créer cette formation sur mesure, nous avons échangé avec plusieurs organismes à qui nous avons exposé notre contexte, nos objectifs et nos contraintes puis nous avons transmis un appel d’offre à quatre organismes qui souhaitaient y répondre. Nous nous sommes réunis en comité de sélection pour étudier les quatre propositions et nous avons retenu l’offre de Panacéa, qui n’était pas la moins chère mais celle qui avait le mieux répondu à nos attentes et proposait une équipe de formateurs spécialisés sur le sujet, suffisamment nombreux pour assurer plusieurs dizaines d’ateliers sur quatre sites différents et parfois en simultanée.

Nous avons eu de nombreux échanges avec l’équipe de Panacéa qui s’est entièrement chargée de la conception des modules, hébergés sur sa plateforme accessible depuis n’importe quel outil numérique (ordinateur, tablette, smartphone) ainsi que du contenu et de l’animation des ateliers.

Une réunion de lancement a eu lieu avec les différents professionnels qui ont participé à ce projet (la directrice des ressources humaines chargée du sujet des RPS, la direction des soins, deux psychologues du travail conseillères en ressources humaines et les trois responsables formation du GH) et l’équipe de Panacéa pour régler les derniers détails et se mettre d’accord sur le calendrier.

En parallèle, le groupe de travail sur le circuit des alertes finalisait les documents et procédures que nous avons partagés avec l’équipe de Panacéa afin qu’elle puisse s’en inspirer pour adapter les contenus et les mettre à disposition des cadres dans l’espace e-learning.

Quatre mois se sont écoulés entre l’appel d’offre et le démarrage des premières sessions. C’est la partie méconnue, mais passionnante, du travail des services de Formation Continue.

Le premier semestre a été prolifique. Nous avons dépassé notre objectif et nous avons pu former plus de cadres que prévu. Des cadres de santé, des cadres techniques, logistiques et administratifs aussi. Les partenaires sociaux ont souhaité bénéficier également de cette formation ainsi que quelques médecins. Cela a créé une dynamique intéressante dans les sessions qui étaient composées de ces différents professionnels.

Évidemment, il y a eu quelques craintes. Craintes de manquer de temps, de devoir gérer une mission supplémentaire, de ne pas réussir à suivre le e-learning par manque d’habitude ou d’appétence pour les outils numériques… Nous avons beaucoup communiqué sur les objectifs de cette formation et nombreuses craintes se sont apaisées une fois la formation à distance réalisée et après avoir échangé avec les autres participants pendant les ateliers.

Les commentaires sur les fiches d’évaluation montrent que les participants ont apprécié ce dispositif, qu’ils trouvent finalement trop court. Ils ont apprécié cet espace d’expression avec des cadres venant de tous les horizons qui rencontrent les mêmes difficultés. La participation des directeurs, des médecins et des représentants du personnel au sein des groupes a été perçue comme une preuve d’une préoccupation commune. Bien sûr, ils ont des attentes suite à cette démarche. Certains ont demandé à pouvoir bénéficier d’une formation complémentaire et pensent s’inscrire aux formations plus longues proposées par le Centre de Formation de l’AP-HP.

Pour appuyer cette démarche, nous avons également créé un pool d’enquêteurs internes composé d’agents volontaires qui ont répondu à un appel à candidature. Deux sessions de formation à la conduite d’enquêtes administratives ont été organisées à leur attention. Nous disposons à présent d’une équipe dédiée qui intervient quand les situations nécessitent un éclairage plus approfondi.

Le circuit des alertes, doté de son pool d’enquêteurs internes, sera l’un des moyens d’évaluation de l’efficacité du programme.

L’augmentation des signalements nous permettra de savoir si la sensibilisation au sujet des RPS, les méthodes de repérage et de signalement ont bien été assimilés. Même si les signalements ne se vérifient pas toujours ou s’ils concernent des situations qui ne relèvent pas des RPS, nous saurons alors que le circuit est connu et que les agents comme l’encadrement s’emparent de cet outil. Ce serait aussi un signal positif de confiance en l’institution.

L’autre moyen d’évaluation sera le nombre de demandes de formations complémentaires sur le sujet et la mise en œuvre de projets de service orientés dans ce sens.

A la fin de l’année 2022, nous proposerons aux agents formés (et aux autres dans la mesure des places disponibles), six représentations sur le thème des RPS sous forme de théâtre interactif.

Les représentations, d’une durée de deux heures chacune, auront lieu en amphithéâtre sur chacun des trois sites principaux du GH.

Des professionnels externes, formés à l’exercice, interprèteront des scènes de la vie courante au travail et inviteront les participants à réagir aux situations présentées. Nous sommes actuellement en phase de création des saynètes avec le prestataire. Ce projet, porté par les conseillères en ressources humaines et les assistantes sociales du personnel, viendra clôturer une année résolument tournée vers la prévention et le bien-être au travail dans un contexte que nous savons difficile dans les hôpitaux aujourd’hui.